
Un racer déguisé en touriste
Oui... et non. Pour cela il faut se pencher un peu aussi sur le challenge international de tourisme.
L’idée est née à la fin des années 20. Promouvoir l’aviation de tourisme et favoriser son développement. Il a donc été créé ce challenge, sous la forme d’un rallye aérien comme on en trouvait beaucoup à l’époque assorti d’épreuves techniques.
Le rallye était une épreuve de vitesse sur longue distance, entre 6000 et 9500km selon les années.
Les épreuves techniques permettaient de pondérer les résultats du rallye tout en mettant l’accent sur les qualités souhaitées d’un avion de tourisme moderne.
On trouvera des épreuves de décollage et atterrissage courts, ainsi que des tests de vitesse lente afin de promouvoir les dispositifs hypersustentateurs permettant une large place de vitesses.

Décollage court
Epreuves de repliage des ailes chronométré… pour le rangement optimisé dans les hangars.

Ca rentre juste dans mon garage.
Test de consommation d’essence.
Notation de la conception de l’avion, privilégiant les cabines fermées, sièges cote à cote, dispositifs de sécurité, instrumentation complète…etc.
Bref, un programme plein de bonne volonté ayant pour but de faire passer les avions de tourisme du biplan avec cockpit ouvert aux monoplans à cabine fermée tels qu’on les connait actuellement.
Oui mais voilà c’est sans compter sur l’esprit de compétition de l’homme, et les intérêts économiques des constructeurs et de fierté nationale.
Si la première édition s’est déroulée avec des avions existants et des compétiteurs « indépendants », dès les éditions suivantes on a vu arriver des avions développés spécifiquement selon le règlement de la compétition, des écuries de constructeurs, puis écuries d’état suivies par des avions de transport pour la logistique. L’honneur national était en jeu.
On a donc vu apparaitre des machines spécifiques à cette compétition construites en une poignée d’exemplaires, dont les qualités étaient étroitement liées au règlement en réduisant si besoin d’autres qualités de vol inhérentes à un avion de tourisme.
Par exemple le Messerschmitt M29 développé pour l’édition de 1932 : Deux machines sur les 6 construites se sont désintégrées en vol avant la compétition.
Le Breda 33 de 1932 : Deux crash le même jour lors du rallye par casse de l’aile. Pour avoir un repliage d’aile rapide pour le test de compacité chronométré, la conception avait privilégié une articulation des ailes sur un point… Ca tiendra bien pour une semaine de compétition… Ah bin non !
Ce qui nous amène au RWD-6. La Pologne s’était engagée dans la compétition dès 1930 avec une douzaine d’avions de série RWD, PWS et PZL. Pour l’édition suivante RWD a développé le RWD-6 spécifiquement.
Aile haute, cabine fermée cote à cote, ailes repliables en un tour de main avec un point de pivot et mat de soutien simple, becs de bord d’attaque mobile et volets sur toute la longueur de l’aile… Idéal pour satisfaire le règlement, rapporter des points et gagner la compétition.
Ce qu’il fit ! Sur les trois machines construites, deux ont concouru et l’appareil SP-AHN de Franciszek Zwirko est vainqueur. Seulement 12eme à l’issue du rallye, mais les épreuves techniques brillantes lui ont permis de finir en tête.
Il n’aura pas le loisir de profiter de la victoire puisque 15 jours plus tard il s’écrase avec l’avion. L’enquête établit une faiblesse de la fixation de l’aile et les RWD-6 survivants auront des nouveaux mats en V à la place des mats simples pour tenir l’aile en torsion… Le choix d’un pliage d’aile rapide au détriment des normes de sécurité…
Et pour la petite histoire, la France acheta un RWD-9 évolution directe du RWD-6 et vainqueur du challenge de 1934, afin de l’évaluer par le centre des essais en vol. Verdict sans appel : Dès qu’il y avait de l’essence pour plus d’une heure de vol dans le réservoir placé à l’arrière, le centrage était mauvais et l’avion instable. Inacceptable pour une machine grand public.
Et après quelques heures d’utilisation le moteur montrait des signes de fatigue. Démontage et bain de dégraissage habituel… Au bout de quelques heures il ne restait plus que le vilebrequin et quelques pièces en acier… Tout le reste en magnésium s’était dissout. Conception d'avion de course pour une performance immédiate, pas sur la durée…
Bref, un avion de tourisme qui a autant de ressemblance avec ceux d’un aéroclub que la Xsara de Loeb avec celle de ma mamie…